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Sep 2015

  • Articles et presse

FINANCE : Les Fintechs vont-elles Ubériser l’Asset Management ?

Article rédigé par Raphaël Cretinon – Senior Manager – Périclès Consulting

Les fintechs qui émergent actuellement révolutionnent l’accès aux produits d’épargne grâce à une expérience utilisateur qui gomme la complexité des marchés financiers pour les « Mass Affluent ». Elles mettent également à disposition des investisseurs des classes d’actifs qui étaient auparavant réservées à des spécialistes (capital de sociétés non cotées, prêts aux entreprises). Cependant, ces nouveaux acteurs ont toujours besoin des gérants d’actifs traditionnels pour exercer leur activité dans la plupart des cas. Le développement des Fintechs est donc, au global, plutôt favorable au secteur dans son ensemble. Au final, l’Ubérisation de l’Asset Management est possible mais pas pour demain et n’est pas évidente car les acteurs historiques sont prêts à faire évoluer leur Business Model pour toujours mieux servir leurs clients.

On ne parle plus que de ça depuis 6 mois. L’Ubérisation est partout, dans les médias, les dîners en ville, à la machine à café et même dans les prétoires !

Mais concrètement qu’est-ce que l’Ubérisation d’un secteur ?

Le mot « Ubérisation » a été inventé par Maurice Lévy dans une tribune pour le Financial Times en décembre 2014. En tant que professionnel de la publicité, il a trouvé LE bon mot pour résumer les mutations profondes de l’économie amenées par le numérique.

De nombreuses définitions de l’Ubérisation ont été données, voici la mienne :
« Désigne l’arrivée d’un nouvel entrant qui ne vient pas du secteur, qui réinvente un métier historique à l’aide des technologies, en étant centré sur l’expérience client et en s’attaquant à des rentes de situation ».

Le secteur du transport de personnes est, bien entendu, un symbole puisqu’une startup, Uber, lancée en 2009 a fait voler en éclat le monopole des taxis dans la plupart des capitales mondiales grâce à son service de mise en relation des utilisateurs avec des chauffeurs. La rente de monopole des taxis est pulvérisée par une simple application de smartphone !

Tous les secteurs sont aujourd’hui concernés : l’hôtellerie est concurrencée par AirBnB, les disquaires par Deezer, les loueurs de voitures par Drivy et même les parkings payants avec, par exemple, une startup comme Zenpark qui donne accès aux places de stationnement privées.

Le secteur financier n’échappe pas à l’attaque des startups. Tous les métiers traditionnels sont impactés : moyen de paiement, virement international, opération de change, prêt aux particuliers, le financement des PME, affacturage, finance personnelle et bien entendu le conseil en investissement.

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Une étude de State Street, datée d’août 2015, révèle que 79 % des Asset Managers interrogés estiment qu’il est probable de voir arriver un nouvel entrant ne venant pas de la finance dans les prochaines années. On pense bien immédiatement aux GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) ou aux Fintechs.

La médiatisation des Fintechs, ces startups qui veulent révolutionner le secteur financier, a explosé grâce à l’introduction en bourse de l’une d’entre elles en décembre dernier : Lending Club.

Fondée il y a 9 ans aux Etats Unis par un français, cette plateforme de Prêts entre particuliers a des résultats impressionnants : 8,5 milliards USD de valorisation à l’introduction, 11 milliards USD prêtés au 30/06/2015 depuis sa création, en hausse de 20% au T2 2015, 100 millions USD de chiffre d’affaires au dernier trimestre, un taux d’intérêt médian pour les investisseurs de 8,1% ! De quoi en effet attirer tous les regards des financiers et des startupers.

L’envolée des « Robo Advisors » grâce à une expérience utilisateur soignée

Certaines Fintechs se sont spécialisées dans le conseil en investissement, on les appelle communément des « Robo Advisors ». Ces sociétés proposent aux épargnants des solutions simples, personnalisées et bon marché pour placer leurs économies via Internet. L’allocation d’actifs est réalisée par des algorithmes qui analysent en permanence la météo des marchés et définissent une allocation de portefeuille optimale en fonction des objectifs et du niveau de risque accepté par le client. Les supports d’investissement utilisés sont des OPC ou des ETF.

La technologie d’allocation d’actifs n’est pas nouvelle puisqu’elle est utilisée depuis des années par les salles de marchés ou les Hedge Funds. La nouveauté réside dans l’expérience utilisateur (User Experience en anglais ou UX). Les sites web ou les applications sont intuitifs et compréhensibles pour les non-initiés aux théories financières.

Le marché de ces « Robo Advisors » explose aux Etats Unis. 12 milliards USD sont déjà gérés par les algorithmes de startups et le taux de croissance du marché est de l’ordre de 20% par trimestre. En Angleterre, une société comme Nutmeg approche les 100 000 utilisateurs et a multiplié par 28 ses encours entre 2013 et 2014 ! En France, le premier « Robo advisors » s’est lancé commercialement en 2014, le marché doit encore être évangélisé. Les encours et le nombre de clients à date restent marginaux mais devraient rapidement progresser au gré de l’arrivée de nouveaux acteurs.

Les Asset Managers aiment les « Robo advisors »

Les « Robo Advisors » disruptent le Wealth Management et non l’Asset Management, l’Ubérisation du secteur ne viendra donc pas de ces acteurs. Les gérants d’actifs sont d’ailleurs favorables à leur développement car c’est un nouveau canal de distribution pour leurs fonds à destination de l’épargnant « Mass Affluent ».

Pour preuve, les « Robo Advisors » sont financés voire rachetés par des sociétés de gestion. En France, Anatec et Yomoni qui doivent se lancer sur ce marché d’ici la fin de l’année ont été respectivement financés par Amundi et La Financière de l’Echiquier. Blackrock, 1er asset manager mondial avec 4700 Milliards USD d’encours a annoncé fin août le rachat de Futur Advisor, un Robo Advisor américain. Blackrock rachète la technologie pour la mettre à disposition des courtiers et des conseillers financiers afin de mieux servir leurs clients.

Les Asset Managers concurrencés par les Fintechs sur certaines classes d’actifs

Les plateformes Crowdlending (investissement sous forme de prêt aux entreprises ou aux particuliers) offrent aux investisseurs un couple rendement/risque intéressant tout en leur donnant une occasion de financer directement l’économie. En effet, les intérêts bruts oscillent entre 5 à 10% pour les prêts aux entreprises et entre 3 à 6% pour les prêts aux particuliers avec un taux de défaut qui statistiquement reste à un niveau raisonnable.

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Ce type d’investissement comporte cependant deux inconvénients importants :

  • Un risque de sélection des dossiers puisque ces plateformes ne proposent aucune mutualisation du risque à l’exception de Prêt d’Union qui prête par l’intermédiaire de FCT. L’investisseur doit donc diversifier lui-même le risque en investissant dans des dizaines de dossiers pour lisser le taux de défaut.
  • Un risque d’illiquidité puisqu’il est impossible de revendre les créances. Une fois le prêt consenti, il faut donc attendre plusieurs années pour récupérer intégralement son investissement à l’échéance du prêt.

Ces deux risques limitent donc cet investissement à une niche de diversification. On ne placera jamais l’intégralité de l’épargne financière en prêts aux entreprises ou aux particuliers. Ce type d’investissement peut être aisément assimilé à du capital risque. Ces plateformes de lending peuvent donc être vues, dans une certaine mesure, comme des nouveaux concurrents aux fonds spécialisés en Private Equity ou en High Yield. Cependant, l’Ubérisation de l’Asset Management ne viendra pas non plus de ces plateformes de Lending du fait de leur positionnement de niche.

Au final, qu’est ce qui pourrait vraiment Ubériser l’Asset Management ?

Deux pistes sont envisageables pour Ubériser la Gestion d’Actifs. La première consisterait à remplacer le gérant (la personne) par une Intelligence Artificielle. L’IA, programmée pour respecter les contraintes de gestion imposée par le mandat ou le fonds, réaliserait les actes de gestion en toute autonomie. A ma connaissance, une telle offre n’existe pas encore mais les progrès exponentiels de l’intelligence artificielle me laissent penser qu’elle sera disponible d’ici à 2020.

L’autre piste consisterait à créer une plateforme de gestion ouverte à des gérants indépendants. Covestor, une société américaine s’est lancée dans cette voie et propose déjà aux investisseurs des « managed accounts » via la plateforme Internet qui sont gérés par des gestionnaires individuels ou professionnels.

Dans tous les cas, le modèle qui s’imposera dans les prochaines années sera celui qui offre le meilleur service pour les investisseurs. Les gestionnaires traditionnels doivent se préparer à la bataille avec les acteurs du Web car cette bataille aura lieu, ce n’est qu’une question de temps.

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