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30

Juin 2017

  • Articles et presse

La feuille de route d’Agnès Buzyn : des annonces à la mise en place des réformes, la route est encore longue en santé et prévoyance

Article rédigé par Nathalie Rackovic, Directeur – Périclès Services et Damien Lenne, Supervising Manager – Périclès Consulting

Les thèmes esquissés au cours de la campagne auguraient quelques pistes ambitieuses

Nous l’avions relevé, la campagne de 2017 a été marquée par le questionnement de l’efficience des dépenses de santé, l’opportunité de refondre leur financement et leur ciblage.

Lors de son intervention sur la « Place de la Santé », Emmanuel Macron s’appuyant sur les analyses de l’Institut Montaigne, déplorait des inégalités entraînant des taux de mortalité prématurée différenciés selon les populations, la difficulté d’accès aux soins (financière et physique) et la soutenabilité financière de l’ensemble du système.
Le candidat Macron avançait trois pistes de réformes pour redresser la situation et conserver un ONDAM à 2,3% sur le quinquennat :

  • Une réforme d’ampleur de la prévention, impliquant une révision des modes de rémunération des professionnels de santé pour prendre en charge ces activités couplée à la mise en place d’un service sanitaire de 3 mois dans ce domaine et au renforcement des actions de prévention
  • Une action déterminée contre les inégalités d’accès aux soins, par le non déremboursement des soins utiles (l’utilité étant définie par la HAS), le « zéro reste à charge » en dentaire, optique et audition par des concertations avec les professionnels de santé et la mise en place de transparence entre les offreurs de soins
  • Une révision de l’efficacité globale du système de santé, avec un plafonnement du financement de l’hôpital par la T2A à 50 %, le décloisonnement des acteurs pour délester l’hôpital en premier recours, le doublement des maisons de santé et un effort sur la coordination des soins en amont et en aval de l’hôpital.

La réforme de la prévention était présentée comme un accélérateur d’une stratégie de cycles vertueux sur l’ensemble du quinquennat à venir. Une piste complémentaire de réforme incluait une remise en concurrence des assureurs santé (avec la mise en place de contrats type facilitant la comparaison des offres) et un accent mis sur la concurrence entre les offreurs de soins.

La feuille de route de la ministre de la Santé dévoilée dans la presse laisse un bon nombre de pistes ouvertes

Dans une note adressée le 15 juin au premier ministre, Agnès Buzyn a donc esquissé ce qui sera son programme de travail pour les cinq ans à venir. Le discours de politique générale du premier ministre, le 4 juillet prochain, devrait confirmer cette feuille de route.

Sans surprise, Agnès Buzyn se consacre en priorité aux conditions de bouclage économique du modèle, qu’elle souhaite favoriser par une révision progressive du financement des modalités de financement des établissements de santé (avec une responsabilisation des ARS sur des stratégies de financement triennales), ainsi que de la rémunération des professionnels de santé. Le « tiers-payant généralisable » sera très probablement au menu de ces négociations conventionnelles. Pas de mention de l’axe prévention dans la révision du mode de financement, cet axe majeur de la campagne reste pour l’instant à l’état de piste ouverte.

Emmanuel Macron avait avancé des promesses sur la transformation du régime social des indépendants (connu pour ses dysfonctionnements) et du régime obligatoire étudiant. La ministre annonce des évolutions dès 2018, porteuses d’une réorganisation structurelle des deux secteurs.

En revanche, la logique de contrats types redoutée par les complémentaires n’apparaît pas, remplacée par des concertations en vue d’atteindre l’objectif d’un RAC nul en 2022 sur l’optique, le dentaire et les prothèses auditives. Sans doute une manière de donner des gages aux acteurs de la mutualité, qui ont milité activement depuis les annonces du candidat Macron pour retrouver une place dans la définition des nouvelles politiques.

Au plan du cadrage économique et financier la feuille de route dévoilée le 15 juin confirme la réalisation de 15 Mds€ d’économies, mais sans qu’aucun soin « utile » ne soit dé-remboursé …. Ces « économies » ne se feront pas au détriment « d’un rétablissement durable de la situation des comptes de la Sécurité Sociale ». Le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale sera scruté attentivement.

Dernière grande promesse liée à la protection sociale au sens large, l’épineuse question de la réforme des retraites, qui reste en l’état un chantier sur lequel la ministre va se donner le temps de construire une méthode de travail (négociations à anticiper au printemps 2018 devant déboucher sur un accord de méthode et un projet de loi cadre… en seconde partie de quinquennat ?).

Qu’en retenir pour le marché ?

La feuille de route de la ministre s’inscrit dans le cap fixé par le Président. Pas de grand soir de la protection sociale, l’essentiel des mesures d’économies sera à réaliser par les acteurs responsabilisés à cet effet, au premier rang desquels les ARS, mais aussi les complémentaires, qui seront intégrées dans la concertation sur la lutte contre les dépassements d’honoraires et les questions de reste à charge ouverte à l’automne 2017. On peut s’attendre à une énième refonte des contrats responsables qui occasionnera beaucoup de travail au sein des opérateurs.

La ministre s’inscrit également dans la continuité des évolutions entreprises par Marisol Tourraine, avec l’évocation d’une nouvelle stratégie nationale de santé. Celle-ci ferait la part belle à la modernisation de « la relation avec l’usager en tirant tous les bénéfices de la transition numérique avec un fort investissement sur les SI ». Elle devrait également porter sur les actions de prévention.

Une conférence du numérique en santé sera organisée en 2018, la ministre souhaite en effet miser sur l’efficience médicale. Dans son « programme » on peut lire que cet objectif « passera par la création d’un nouveau cadre contractuel d’intéressement économique des professionnels de santé en ville et en établissements » ce qui devra passer par «la construction d’accords entre le secteur hospitalier et la ville avec comme objectifs le paiement global par pathologie ». Pour y parvenir un programme sera proposé se basant sur le développement des innovations numériques, technologiques et organisationnelles. Des financements « majeurs » seront octroyés aux systèmes d’information dans le cadre du plan d’investissement de 5 Mds€ déjà annoncé par le Président à destination des hôpitaux et de la médecine de ville.
Rien en revanche à ce stade sur la généralisation de la Prévoyance (annoncée dans le cadre de l’ANI 2013), ni s’agissant de l’ANI des « seniors / retraités », ni même de la dépendance et de son financement…
En somme, semblant attachée à déployer une méthode consensuelle pour fluidifier le système de santé et contenir l’évolution de l’ONDAM à 2,3 %, pacifier les relations avec les professionnels de santé et stabiliser les points concrétisés par Marisol Tourraine, la nouvelle ministre fait le choix de la prudence dans l’annonce de ses priorités. Une méthode des petits pas qui pourra donner le temps aux acteurs de s’adapter aux évolutions à venir, auxquelles ils seront – pour une fois – associés ?

Les équipes de Périclès Group se tiennent à votre disposition pour échanger sur les évolutions à venir et les préparer afin d’être au rendez-vous.

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