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Fév 2024
Ces dernières années ont été marquées par des politiques monétaires très voire trop accommodantes, ce qui a pu entrainer une croissance des prix immobiliers décorrélée des fondamentaux économiques. A cela est venu s’ajouter la crise du Covid et l’essor du télétravail qui ont rebattu les cartes de l’immobilier, notamment de bureaux, face aux volontés d’optimisation des coûts immobiliers des entreprises.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, une inflation forte est réapparue à l’échelle mondiale, obligeant les banques centrales à réagir en augmentant drastiquement et rapidement leurs taux directeurs. Cette réaction a eu pour effet de figer et même bloquer l’immobilier dans son ensemble. Que ce soit résidentiel, commercial ou de bureau, tous les pans de ces marchés sont touchés désormais par la hausse sans précédent du coût de financement des projets qui se traduit par une réduction des volumes de transactions et in fine des baisses de valorisations, parfois violentes sur certains marchés.
Dans ce contexte de bouleversements sociétaux, économiques et financiers, le marché de la pierre papier, représenté principalement par les Sociétés Civiles de Placement Immobilier (SCPI), est devenu un sujet d’attention majeur pour les investisseurs cherchant à allier la stabilité de l’immobilier à la régularité des rendements sur leurs investissements. Plus récemment, les Organismes de Placement Collectif en Immobilier (OPCI) ont faire leur entrée sur le marché de la pierre papier, en offrant d’avantage de flexibilité dans la composition de l’actif des fonds en y intégrant des titres côtés pour améliorer la liquidité du produit.
Les SCPI considérées comme un investissement de long terme, stable et à risque maîtrisé ont fortement collecté ces dernières années, 10,20 milliards d’euros en 2022 et 7,4 milliards d’euros en 2021. Elles font désormais face à des turbulences (réévaluation à la baisse de la valeur des parts, délai de remboursement en hausse) qui créent une défiance de la part des investisseurs.
La dépréciation des biens immobiliers se fait ressentir sur un grand nombre de typologie d’actifs, tout en gardant des spécificités sectorielles.
L’ampleur et la soudaineté de la baisse des valorisations amènent les investisseurs à revoir leur stratégie sur ce marché face à l’attractivité d’autres classes d’actifs tel que le rendement obligataire et même sur les marchés monétaires.
L’ensemble de ces éléments se traduit par une baisse de la collecte sur les SCPI de près de 23% au premier trimestre 2023 comparé au premier trimestre 2022, selon les chiffres de l’ASPIM.
Face à ces perspectives délicates, les acteurs de la gestion de fonds immobiliers se doivent d’être plus transparents et pédagogiques dans leur communication afin d’éviter les sorties de capitaux tout en pérennisant la collecte. En cela, c’est un véritable changement de paradigme qui doit être opéré par ces acteurs en matière de reporting.
A l’heure actuelle, Les acteurs de la gestion immobilière ont l’habitude de ne communiquer uniquement que sur le rendement des dividendes versés et non en tant que rendement total incluant la performance des parts de fonds. Il apparaît pertinent d’inclure l’ensemble des facteurs d’appréciation du capital investi dans la communication destinée aux investisseurs.
Pour appuyer cette volonté de transparence, il apparaît aussi nécessaire d’augmenter la fréquence des valorisations des portefeuilles immobiliers, notamment lorsque le marché est plus volatil. Cela permettrait de réduire les sauts importants de valeur de parts observés à l’été 2023 (jusqu’à 17% de baisse en une seule fois pour certaines SCPI). Les méthodes d’évaluation devraient également évoluer.
En effet, les experts se basent très souvent sur les prix de transactions récentes pour évaluer les actifs similaires. Problème, lorsque le marché est en tension, le nombre de transactions chute et les prix de marché se raréfient. Des évaluations par la méthode des « Discounted Cash Flows» utilisant les loyers anticipés du bien et les montants d’investissement à réaliser sur une période seront sans doute plus répandues.
La question des ajustements des valorisations a par ailleurs été soulevée par l’AMF, qui a formulé une demande d’actualisation de ces dernières durant le mois de juillet 2023 en raison de la tendance morose du marché. Cette demande, qui reste exceptionnelle, pourrait trouver son bien-fondé en devenant une pratique régulière pour assurer un meilleur suivi des mouvements de marché comme c’est le cas pour d’autres FIA investissant sur des actifs illiquides mais qui offrent des possibilités de rachat (fonds Evergreen ou ELTIF par exemple).
La conjoncture actuelle tend également les gérants de SCPI à réorienter leur stratégie d’investissement. Il est probable que les SCPI diversifiées prennent le pas sur les SCPI spécialisées afin de minimiser les difficultés sectorielles et ainsi lisser les performances. On peut noter notamment que les SCPI spécialisées dans l’investissement en bureaux ont enregistré une performance plus dégradée que celles spécialisées en investissement résidentiel. Sous réserve de l’accord des associés des SCPI, la réallocation stratégique potentielle des portefeuilles entraînera des coûts de gestion supplémentaires ce qui entretient les doutes sur la performance future des SCPI.
Du côté des investisseurs, cette période est aussi marquée par des inquiétudes majeures. Les SCPI disposent d’un marché secondaire pour échanger leurs parts, il enregistre une progression de 32% au premier semestre 2023 comparé au précèdent semestre. Cette progression pose évidemment la question de la liquidité de la pierre papier. Pour répondre à ce défi de la liquidité, les gérants d’actifs vont devoir renforcer leur animation du marché secondaire et travailler le registre des investisseurs. L’impact de l’afflux d’ordres de vente devrait se traduire par une pression négative sur le prix de retrait des parts.
Le niveau de commission des SCPI est important. L’investisseur doit s’acquitter de droits d’entrée, de frais de gestion sur les loyers perçus ainsi que les frais liés aux transactions immobilières tels que les frais notariaux ou les droits d’enregistrement. Cette structure de frais devrait évoluer pour augmenter l’attractivité du placement : les SCPI sans droits d’entrée apparaissent depuis quelques années. L’amélioration de l’efficacité opérationnelle des gestionnaires sera un passage obligé s’ils veulent réussir à abaisser la structure de frais actuelle. Les initiatives de tokenisation immobilières pourraient ainsi s’accélérer en parallèle d’un réinvestissement sur les outils de gestion et de digitalisation de la relation propriétaire, gestionnaire et locataire.
Les SCPI ont la possibilité également de proposer des services additionnels, encore peu répandus, On peut prendre pour exemple le réinvestissement automatique des dividendes, permettant la constitution d’une épargne immobilière dont les coûts des prix d’entrée des parts seront lissés sur une longue période. Le rendement global de l’investisseur serait également boosté grâce à la capitalisation des dividendes s’ils n’ont pas besoin de les percevoir.
Face aux défis actuels, le marché des véhicules d’investissement immobilier doit s’adapter rapidement pour répondre aux nouveaux paramètres de marchés et aux inquiétudes des investisseurs. Pour préserver la confiance et maintenir les encours, une plus grande transparence dans les valorisations et une meilleure communication sont requises car elles permettent de suivre les évolutions du marché de manière plus réactive.
Une offre de liquidité croissante doit se construire sur ce marché pour satisfaire les demandes de plus en plus marquées dans ce sens. Les frais d’entrée et de gestion doivent être revus à la baisse pour continuer de séduire les épargnants et les institutionnels, c’est particulièrement le cas dans ce contexte incertain.
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