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Fév 2024

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  • Divers

Comment les sociétés de gestion vont-elles s’adapter à la fin des commissions de mouvement

Article écrit par Philippe RECOUVREUR, Supervising Manager, et Olivier BENICHOU, Senior Manager.

 

A compter du 1er janvier 2026, les sociétés de gestion domiciliées en France, à l’exception de celles de fonds immobiliers, ne pourront plus facturer de commissions de mouvement. 

Cette décision de l’AMF, prise pour éviter toute dérive ou conflit d’intérêt, surfe sur la tendance générale en Europe, sous l’égide de l’ESMA, d’encadrer davantage les commissions et autres frais supportés par les fonds d’investissement, à l’instar du « Retail Investment Package » en cours de discussion à Bruxelles. Le souhait du régulateur est de favoriser les porteurs, bénéficiant théoriquement d’une gestion financière moins chère et donc in fine de performances plus attractives. 

Un impact significatif pour de nombreux gérants de fonds 

L’utilisation de commissions de mouvement n’est pas nouvelle et concernerait environ 150 sociétés de gestion, le plus souvent gérant moins de 10 milliards d’euros d’encours. Si la tendance depuis 2014 montre un tassement du prélèvement de ces frais par les sociétés de gestion, les commissions de mouvement sont encore une source de revenus non négligeable pour certaines maisons de gestion. 

En effet, une étude menée par Périclès Consulting en juin 2023 montre que 21% des sociétés de gestion appliquent des commissions de mouvement sur une majorité de leurs fonds et que 25% des établissements déclarent qu’elles représentent plus de 10% de leur chiffre d’affaires. La suppression de celles-ci pourrait donc provoquer une baisse significative de leurs revenus et de leur résultat. 

Les sociétés de gestion concernées vont devoir anticiper cette échéance et lancer un plan d’actions pour évaluer les impacts et ainsi déterminer d’autres solutions de financement. 

Les solutions envisageables 

Deux grandes typologies de compensations sont envisageables : l’augmentation d’autres commissions payées par les fonds ou la réduction des coûts de fonctionnement.  

L’amélioration de l’efficacité opérationnelle des acteurs de la gestion pour compte de tiers est un effort constant, une hygiène organisationnelle. Les sociétés de gestion ont déjà beaucoup œuvré pour contenir leur coefficient d’exploitation, surtout lors de chaque nouvelle obligation qui s’impose à elles. Nous ne pensons pas que cette voix sera empruntée majoritairement par les gérants de fonds pour compenser l’arrêt des commissions de mouvement car les marges d’économie sont très limitées. 

Une hausse de commission, oui mais laquelle ? 

L’augmentation des autres commissions est donc la plus probable, reste à définir les commissions qui seront revues à la hausse et les modalités pour le faire. 

Dans un contexte de forte pression concurrentielle et d’attention particulière des régulateurs et distributeurs sur le « Value for Money », faire passer des hausses de commissions de gestion pour compenser l’arrêt des commissions de mouvement ne nous semble pas être la bonne solution. Les taux de frais pour la gestion financière sont auscultés par de nombreux acteurs, en premier lieu les investisseurs qui sont de plus en plus regardants. 

La solution est sans doute à chercher dans la mise à jour de 2022 de la doctrine AMF sur la présentation des frais des OPC. En effet, cette évolution permet aux sociétés de gestion de loger, dans la catégorie « frais de fonctionnement et autres services », les frais liés à l’activité du fonds à l’exclusion des frais relatifs à la gestion financière stricto sensu. 

Les commissions de mouvement ayant vocation à financer les coûts supportés par la société de gestion au titre de l’activité de négociation et d’exécution d’ordres, il s’agit bien de frais relatifs au fonctionnement de l’OPC. L’éligibilité de « frais d’exécution » à cette seconde catégorie de frais présente dans le prospectus du fonds semble donc fondée. 

Pour autant, les sociétés de gestion sont confrontées à un enjeu majeur : comment transformer une commission calculée sur le nombre de transactions réalisées par le fonds en une commission calculée sur une base de frais réel ou un forfait ? 

En effet, la détermination d’une commission au frais réel va s’avérer complexe à réaliser lorsque les activités de négociation et d’exécution d’ordres sont internes. 

C’est pourquoi, certains acteurs devraient être tentés par l’externalisation de ces activités à un tiers ou par leur filialisation. L’étude Périclès Consulting montre que 10% des sociétés de gestion interrogées réfléchissement à cette solution. Ainsi, les fonds pourraient recevoir des factures d’un prestataire en charge de la négociation en remplacement des commissions de mouvement. Cette solution est lourde de conséquence sur l’organisation et les ressources humaines de la société. Elle sera sans doute peu utilisée par les sociétés de gestion. 

Les gérants d’actifs devraient donc opter pour une estimation du coût complet des activités et la construction d’un modèle de ventilation analytique sur les fonds. Ce modèle devra être auditable et évolutif dans le temps pour garantir l’adéquation entre les coûts réels et les frais refacturés au fonds. Sans quoi, la société de gestion pourra s’exposer à un risque de requalification. 

Par ailleurs, le coût complet calculé ne devra, en aucun cas, intégrer ou déborder sur des coûts relatifs à la gestion financière comme le souligne l’AFG. Ainsi, il est possible qu’une partie de l’activité d’une équipe de négociateurs ne puisse pas être prise en compte dans l’estimation des frais venant compenser les commissions de mouvement. 

Un exemple : une activité de placement des liquidités des fonds assurée par la table de négociation peut être qualifiée de gestion financière. Dans ce cas, l’analyse du coût complet devrait déterminer la quote-part de l’activité non éligible à la catégorie « frais de fonctionnement et autres services ». 

Conclusion 

Bonne nouvelle ! Des solutions existent pour les sociétés de gestion afin de compenser l’arrêt des commissions de mouvements. Néanmoins, les solutions seront plus ou moins complexes à mettre en œuvre dans les deux prochaines années. 

Une nouvelle vague d’externalisation de l’activité de négociation pourrait voir le jour ce qui permettrait de facturer le coût du prestataire directement au fonds. La refacturation d’un coût complet de l’activité restant au sein de la société de gestion est également possible mais son estimation et le modèle de ventilation du coût par fonds devront être documentés et suivi rigoureusement. 

Plus globalement, les sociétés de gestion devraient, au cours des prochaines années, utiliser beaucoup plus la seconde catégorie de frais autorisée dans les prospectus des OPC. Ceci s’inscrit dans une tendance à toujours plus de transparence sur l’affectation des commissions et des frais que supportent les porteurs de parts. 

 

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