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Juin 2019

Investissement responsable
  • Articles et presse

Investissement responsable : une nouvelle étape commence pour les sociétés de gestion

Les conséquences du réchauffement climatique sont d’ores et déjà visibles dans notre quotidien. Les questions de durabilité sont au cœur de nos préoccupations et l’incitation à l’action est à toutes les échelles :

  • individuelle pour un changement des comportements de consommation,
  • à l’échelle des entreprises avec la mise en avant, par la loi PACTE, de « la nécessité, pour les entreprises de prendre en compte les enjeux environnementaux et sociaux de leur activité »,
  • et à l’échelle des nations avec la COP 21 et la définition par l’ONU des 17 objectifs de développement durable.

Dans ce changement de pratiques, la finance est un acteur incontournable. Il y a un an, la commission européenne a présenté, dans une conférence sur la finance durable à Bruxelles, un plan d’actions pour une économie plus durable.En présentant ce plan d’actions, le commissaire européen aux services financiers Valdis Dombrovskis a déclaré : « ce n’est qu’avec l’aide du secteur financier que nous pourrons combler le déficit de financement annuel de 180 milliards d’euros pour atteindre nos objectifs climatiques et énergétiques, contribuant ainsi à assurer un avenir durable aux générations futures ».

Qu’est-ce que cela change pour les sociétés de gestion et pour les investisseurs?

Les sociétés de gestion se mobilisent

Depuis 2015, les sociétés de gestion généralistes ont été amenées, à intégrer, de façon plus ou moins rigoureuse, les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leur gestion financière afin de répondre à une demande en forte hausse des investisseurs institutionnels, de plus en plus friands de la gestion responsable.

L’article 173 de la loi sur la transition énergétique, entré en vigueur le 31 décembre 2015, impose aux investisseurs institutionnels une transparence sur l’intégration des critères ESG dans leurs opérations d’investissement. Ce dernier a poussé les sociétés de gestion à aller plus loin avec le lancement de gammes de fonds ISR.

Depuis, un an, nous observons une nouvelle évolution. Jusque-là, le « tout ISR » était l’apanage de sociétés de gestion spécialisées. En 2018, ce sont les acteurs généralistes qui ont multiplié les annonces indiquant la généralisation de la prise en compte des critères extra-financiers environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leurs processus d’investissements.

La Banque Postale Asset Management (LBPAM) fut la première société de gestion à amorcer ce mouvement. Elle s’est engagée, le 5 avril 2018, à devenir le premier gérant généraliste 100% ISR d’ici 2020.

Le 8 octobre 2018, Amundi, filiale du Crédit Agricole, s’est engagée à devenir plus responsable en déclarant vouloir intégrer la notation environnementale, sociale et de gouvernance dans son processus d’investissement et sa politique de vote d’ici 2021.

Par ailleurs, dans sa nouvelle stratégie dévoilée en mars 2019, BNP Paribas Asset Management indique que son objectif principal d’ici 2020 réside dans l’intégration des critères ESG dans tous ses processus d’investissement.

Ce mouvement a été suivi depuis par plusieurs autres sociétés de gestion généralistes. La prise en compte des critères ESG semble progressivement devenir la norme.

Concrètement, comment cela se traduit-il au niveau des processus d’investissement ?

L’évaluation des politiques ESG des entreprises devient une partie intégrante du processus d’investissement.

L’intérêt d’investir dans une entreprise ne s’évalue plus uniquement à partir de ses perspectives financières mais aussi sur la base de son évaluation extra-financière qui renseigne sur ses risques et opportunités vis-à-vis des enjeux du développement durable.

Les processus d’investissement intègrent désormais une étape de notation extra-financière des entreprises.

Les entreprises sélectionnées sont celles qui ont une meilleure évaluation extra-financière que leurs comparables (approche « best in class » ou « best in universe »).

De plus, les sociétés de gestion s’engagent à accompagner les entreprises dans leur changement de pratiques en influençant leur comportement via l’exercice des droits de vote ou le dialogue actionnarial. Cela permet aux sociétés de gestion de prendre en compte, dans l’évaluation extra-financière, la progression du comportement des entreprises dans le temps. A contrario, celles qui refusent de progresser ou de communiquer sur leurs politiques de développement durable peuvent se retrouver exclues des portefeuilles.

Quel impact cela a-t-il sur l’offre de produits ?

Ce changement d’approche se traduit aussi au niveau de l’offre de produits et de services des sociétés de gestion.

Ces sociétés ont commencé par proposer, à leurs clients, des fonds d’investissement responsables qui prennent en compte les critères ESG dans une optique de maîtrise des risques ESG grâce à une sélection des entreprises ayant les meilleures pratiques en termes de responsabilité sociale et environnementale.

Ensuite, progressivement, avec l’évolution des objectifs des investisseurs, qu’ils soient particuliers ou institutionnels, cette offre a évolué. Au-delà de la maîtrise des risques ESG, les investisseurs recherchent désormais un impact positif, en plus du rendement financier. De nouvelles gammes de produits sont ainsi créées avec un objectif explicite de financement d’une économie plus durable. Ces produits sélectionnent et investissent dans des entreprises qui apportent des solutions aux défis environnementaux et sociaux. Aux gammes ISR « classiques », s’ajoutent des gammes d’impact investing.

En revanche, qu’il s’agisse de fonds ISR « classiques » ou de fonds à impact social ou environnemental, ces produits ne sont plus limités aux sociétés de gestions spécialisées.

Les grands asset managers généralistes proposent une large palette de produits. En fonction des enjeux, des profils ou des contraintes des investisseurs, elle leur permet, grâce à leur investissement, d’atteindre l’objectif ESG souhaité : fonds ISR, fonds solidaires, fonds Green bonds ou fonds destinés à financer un ou plusieurs objectifs de développement durable (en lien avec les ODD adoptés par l’ONU en septembre 2015).

D’après une étude réalisée par Deloitte en 2019 , 31% des sociétés de gestion prévoient la création de nouveaux produits responsables dans les 2 ans à venir.

Comment l’investisseur peut-il se retrouver dans toutes ces offres ?

Produits ISR, investissements à impact, investissements verts, etc. L’investisseur qui cherche à sélectionner un produit avec des caractéristiques sociales et/ou environnementales a l’embarras du choix. L’offre est très variée et les approches, même si elles peuvent paraître semblables sur les principes et les objectifs, sont propres à chaque société de gestion.

Tout comme dans le domaine de l’agroalimentaire, une des solutions à ce problème est apportée par les labels. Ceux-ci définissent les critères à respecter par le produit pour bénéficier du label ainsi que les procédures de certification, de suivi et de contrôle à appliquer par les organismes indépendants pour l’attribuer. Les labels offrent une garantie de transparence et d’indépendance.

En France, comme dans d’autres pays européens, quatre labels existent pour les fonds d’investissement socialement responsables :

  • Le label Finansol : créé par un collectif de la finance solidaire en 1995, ce label permet de distinguer les produits d’épargne solidaire
  • Le label CIES : label du Comité Intersyndical de l’Épargne Salariale (CIES), datant de 2008, est délivré pour les gammes de fonds d’épargne salariale

Et deux labels soutenus par les pouvoirs publics :

  • Le label Greenfin : créé en 2015, à la suite de la COP 21 par le ministère de la Transition écologique et solidaire pour distinguer les fonds qui financent la transition énergétique et écologique
  • Le label ISR créé par le ministère des finances pour distinguer les fonds qui financent les entreprises contribuant au développement durable dans tous les secteurs d’activité

Contrairement au trois premiers labels, le label ISR, lancé en 2016, se veut plus global en définissant un cadre pour les produits d’investissement socialement responsable.

Malheureusement, les investisseurs ne peuvent pas s’appuyer sur ces labels pour différencier les produits répondant à des enjeux de durabilité ni se prémunir contre le risque de « green ou impact washing ». En effet, l’obtention d’un label n’étant pas obligatoire, la majorité des produits relevant de la finance durable qui existent sur le marché français ne sont pas labellisés. Ce constat peut être étendu au marché européen sur lequel, alors qu’une dizaine de labels existent, moins de 500 produits sont labellisés sur les 60 000 fonds qui existent.

S’agissant de l’offre de produits ISR sur le marché français, environ la moitié des produits qui se disent ISR ne disposent pas du label ISR (218 fonds ont le label ISR en juin 2019).

Pourtant, un produit ISR labélisé est forcément différent d’un produit ISR qui ne l’est pas. En effet, le label ISR impose à la société de gestion d’intégrer, dans le processus d’investissement du produit, de manière « systématique et mesurable » , l’analyse extra-financière des entreprises dans lesquelles le produit est investi.

Il impose aussi une politique d’engagement vis-à-vis de ces entreprises dans l’objectif de les faire progresser vers une meilleure prise en compte des enjeux de durabilité.

Enfin, le label ISR impose à la société de gestion une publication, à minima à une fréquence annuelle, des mesures des impacts extra-financiers du produit.

Pour un produit ISR, bénéficier du label est donc un gage de qualité. Par opposition, lorsque les produits ISR ne sont pas labélisés, de quel moyen les investisseurs, surtout les particuliers, disposent-il pour juger de leur qualité ? Comment peuvent-ils se rassurer sur le fait que leurs investissements auront l’impact qu’ils souhaitent ? La réponse à ces questions n’est pas toujours évidente.

En Europe, face à la multiplicité des offres « d’investissements verts », la commission européenne a décidé en mai 2018 de construire une taxonomie afin de « disposer d’une définition commune de ce qui est vert et de ce qui ne l’est pas ».

D’autre part, une réflexion est en cours pour la mise en place d’un éco-label européen basé sur cette taxonomie afin d’aider les investisseurs à identifier les produits et stratégies d’investissement finançant réellement les activités durables (lutte contre le changement climatique, protection de l’eau et des ressources marines, économie circulaire, limitation des déchets et recyclage, contrôle et prévention de la pollution et protection des écosystèmes).

La mise en place d’une taxonomie et d’un éco label européen permettront, de notre point de vue, aux investisseurs et épargnants européens de se repérer concernant les investissements verts.

De la même manière, la création d’un label européen couvrant un périmètre équivalent au label ISR français donnerait un référentiel commun pour l’ensemble des produits ISR européens. Cela permettrait d’accroître la compréhension et la lisibilité pour les investisseurs.

Nous pensons que si les investisseurs plébiscitent les produits disposant de ce label ISR, les sociétés de gestion seraient incitées à labéliser leurs produits. Cela permettrait ainsi de garantir la qualité des fonds ISR, de faciliter leur commercialisation transfrontalière et d’éviter le phénomène de « green ou impact washing ».

D’autre part, il existe deux autres axes d’amélioration :

  • La définition d’un reporting extra-financier standard à publier systématiquement par les sociétés de gestion pour l’ensemble des produits affichant des objectifs de financement du développement durable
  • L’amélioration de la qualité des données extra-financières, c’est-à-dire les informations transmises par les entreprises aux investisseurs, qui sont utilisées pour la production de ces reportings

En effet, chaque société de gestion a aujourd’hui défini ses propres critères et indicateurs afin d’expliquer aux investisseurs l’impact lié à leurs placements. En l’absence d’indicateurs standards, la comparaison des offres pour les investisseurs est très difficile et en l’absence de données fiables il est impossible de quantifier ces impacts de manière rigoureuse.

Quel avenir pour l’investissement responsable ?

L’évolution vers un investissement plus responsable est inéluctable. Les acteurs de la finance sont conscients du changement de paradigme et se mobilisent pour apporter des solutions. Plusieurs initiatives ont été lancées depuis un an par les sociétés de gestion.

En revanche, la multiplication des produits et des labels rend la différenciation difficile pour l’investisseur. La création d’un langage uniformisé et d’une norme partagée adoptée par tous les acteurs est primordiale afin d’éviter le risque de « green ou impact washing » et permettre aux investisseurs de choisir en toute sérénité et avec des garanties de transparence et de qualité, les produits qui répondent aux mieux à leurs enjeux et à l‘impact qu’ils recherchent.

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