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Fév 2024

pericles group consulting ESAP game changer
  • Divers

L’ESAP sera-t-il un « game changer » pour l’industrie des fonds ?

Article écrit par Olivier BENICHOU, Senior Manager et Lucille DUJANCOURT, Senior Consultant.

 

Action phare du plan d’actions pour l’union des marchés de capitaux (UMC) adopté par la Commission européenne en 2020, l’European Single Access Point (ESAP) vise à proposer, à l’échelle de l’UE, un accès gratuit aux informations financières et extra-financières publiques. Prévu pour être opérationnel à partir de 2027, sous la responsabilité de l’ESMA, l’ESAP sera alimenté par des « preparers », c’est à dire toute entité de l’UE ou d’un pays tiers soumise à des obligations européennes d’information sur les marchés financiers ou qui souhaite volontairement rendre l’information accessible sur la plateforme. Toutes ces structures devront transmettre l’information à des « collection bodies », nouveau rôle créé par la Commission Européenne qui dans les faits, sont des régulateurs nationaux ou européens ou encore des organismes officiels et seront en charge de faire le lien avec l’ESAP. 

C’est plus d’une trentaine de textes réglementaires qui auront été amendés pour obliger les sociétés à alimenter l’ESAP, selon un format adéquat préalablement défini, lors de la publication des informations. La mise en œuvre de cette alimentation progressive commencera avec des données présentes dans les prospectus et les reporting CSRD. Le périmètre s’élargira en plusieurs phases, aux informations conformes au règlement SFDR, sur les agences de notation de crédit et Benchmark, puis celles découlant d’une vingtaine de textes législatifs supplémentaires liés aux réglementations sur les produits (AIFM, UCITS, PRIIPS, PEPP, ELTIF), les règlements sur les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement (S2, IFR/IFD, BRRD, CRR), ou à des fins de réguler les rapports de commercialisation (MIF, IDD). 

Le projet est ambitieux et il est raisonnable de s’interroger sur ce que l’industrie de la gestion d’actifs peut attendre de l’ESAP. 

Les bénéfices anticipés de l’ESAP 

Les objectifs du projet sont pleinement alignés sur le développement des objectifs de l’union des marchés de capitaux et répondent aux besoins d’efforts accrus en matière de transparence des données ESG des émetteurs. 

L’une des promesses centrales de l’ESAP est la création d’un nouvel environnement où l’information est exploitable numériquement. La centralisation de données normalisées et l’accès facilité prévus par l’ESAP, laissent augurer une réduction considérable des coûts associés à l’accès et à l’exploitation des données pour les investisseurs, notamment les gestionnaires d’actifs. Avec cette plateforme qui s’apparente à de l’« Open Data », les offres pro-forma et payantes des fournisseurs de données financières ou extra-financières ne seront plus pertinentes. Les fournisseurs devront proposer plus de services additionnels ou d’analyse de données pour rester attractifs. 

L’ESAP pourrait également constituer une réelle opportunité pour les gestionnaires d’actifs en termes de visibilité auprès des investisseurs, analystes et intermédiaires puisque les principales données des prospectus seront disponibles à terme. De même, les entreprises non soumises à la publication de leurs données de manière publique pourront partager des informations sur une base volontaire pour améliorer leur notoriété. 

De plus, les données étant transmises par chaque société à des organismes de collecte (Collection Bodies) qui feront leurs propres contrôles, on peut supposer que l’ESAP contribuera globalement à renforcer la qualité des informations financières et extra-financières. 

La mise en œuvre de l’ESAP et son impact réel sur l’industrie de la gestion d’actifs dépendront de nombreux facteurs, notamment la manière dont ce nouveau référentiel public sera mis en œuvre, le périmètre des données disponibles et in fine son taux d’adoption par les acteurs du secteur. Les modalités de déploiement de l’ESAP restent encore floues et il faudra surveiller de près les développements futurs pour évaluer pleinement son impact potentiel. 

Quels impacts opérationnels de l’ESAP à prévoir pour les gérants d’actifs ?

L’arrivée de l’ESAP et d’initiatives similaires comme l’EDGAR américain, l’EDINET japonais et le SEDAR canadien soulève la question de la fragmentation de l’accès à l’information. Les fournisseurs de données globaux garderont comme principal bénéfice d’être un point d’accès unique aux informations d’émetteurs quelle que soit leur nationalité. Ces référentiels de données publiques pourraient cependant favoriser l’émergence de nouveaux fournisseurs de données « low cost » qui agrégeraient et normaliseraient ces différentes sources officielles avant de les disséminer à leurs clients. 

Les gérants de fonds travaillant sur des univers d’émetteurs mondiaux, l’ESAP, européanocentré, ne pourra pas se substituer aux bases de données des fournisseurs historiques. Une piste de réduction des coûts d’acquisition de données pourrait être de négocier avec les fournisseurs des packages d’émetteurs en complément de ce que fournira gratuitement l’ESAP. 

Par ailleurs, les sociétés de gestion devront envisager de nouveaux coûts informatiques pour alimenter et se connecter à l’ESAP. Il est fort à parier que des prestataires de services se positionneront sur ce marché. 

Du point de vue business, l’ESAP devrait à terme faciliter l’analyse des fonds de la concurrence. Ainsi, les sociétés de gestion pourront plus facilement positionner leur fonds et créer des axes de différenciation au lancement de nouveaux produits. 

L’ESAP, sera-t-il un « game changer » ?

Pour l’instant, l’ESAP est un projet porteur d’espoir mais qui n’apporte à première vue pas grand-chose de nouveau : il apparaît davantage comme une nouvelle alimentation contrainte par le régulateur. Toutefois, la réussite de la mise en œuvre de cette plateforme est un réel défi pour l’Europe et représente une étape importante. 

En couvrant le périmètre des données ESG et des données statistiques financières en Europe, l’ESAP pourrait de plus constituer un véritable axe de différentiation par rapport aux systèmes américain, japonais et canadien, qui ne se concentrent que sur les données financières. 

Au final ce référentiel public sera véritablement un « game changer » si les conditions suivantes sont réunies :  

  • La donnée disponible est exhaustive et de qualité,
  • La donnée est facilement accessible et requêtable en masse,
  • L’ESAP devient le hub de dissémination des rapports et des informations régulés en Europe. Cette dernière condition nous semble clé. L’ESAP pourrait devenir le principal diffuseur d’informations précontractuelles des fonds. Ainsi, les sociétés de gestion n’auraient qu’à alimenter l’ESAP et les distributeurs trouveraient, en un seul endroit et à coup sûr, la dernière version de la documentation disponible. Des gains d’efficacité opérationnelle et une réduction des risques d’exécution seraient envisageables. Soyons ambitieux pour l’ESAP !

 

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