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Jan 2024
Les épargnants européens investissent peu sur les marchés financiers. En effet, les titres financiers représentent 17% du patrimoine des ménages en Europe contre environ 43 % aux États-Unis en 2021. Comment expliquer cela ?
Selon une récente enquête Eurobaromètre de 2022, à peine 38 % des consommateurs sont convaincus que les conseils en investissement que leur prodiguent les intermédiaires financiers visent avant tout à servir au mieux leurs intérêts (source : Eurostat). Le manque de confiance dans le conseil en investissement qu’ils reçoivent est la principale raison qui explique la frilosité des épargnants européens.
Face à ce constat, les mesures proposées par la Commission Européenne au travers du paquet « protection des investisseurs de détail » ou en anglais « Retail Investment Strategy » (RIS) publié en mai 2023 visent à renforcer la confiance des investisseurs particuliers dans les marchés de capitaux.
Ainsi, la Commission souhaite rendre le marché plus attractif et plus accessible aux investisseurs particuliers par une modernisation et une actualisation d’un cadre réglementaire cohérent et homogène.
Nous avons décrypté les principales propositions du paquet RIS. Amélioreront-elles vraiment le sort des épargnants ? Voyons cela !
Les investisseurs particuliers n’ont pas tous la possibilité d’avoir recours à un conseil indépendant ou tout simplement ne le souhaitent pas. Pour autant, le modèle de distribution dominant, notamment des fonds d’investissement, repose sur le versement de rétrocessions de commission de gestion aux distributeurs pour tous les encours qu’ils ont collectés (qu’il y ait eu conseil en investissement ou non). Or, les rétrocessions sont censées rémunérer le devoir de conseil du distributeur. Dans ce contexte, l’interdiction des rétrocessions pour les ventes de produit sans conseil semble justifiée.
Cette interdiction devrait entrainer des impacts opérationnels importants chez les distributeurs (différenciation des gammes de fonds pour la RTO et pour la Gestion Sous Mandat) et pourrait amener des distributeurs à arrêter la gestion libre. Les courtiers en ligne qui proposent en RTO la souscription d’une large gamme de fonds, sans droit d’entrée, seront les principaux acteurs impactés par l’interdiction. Il est certain que ces acteurs vont réagir face à la disparition d’une source principale de revenus. Une nouvelle tarification du service d’investissement en OPC est à prévoir.
In fine, l’épargnant européen autonome dans sa gestion financière, devrait bénéficier d’économies grâce à l’accès à des « Clean Shares ». Cependant, il est fort à parier que les frais de RTO et de tenue de comptes subissent une forte augmentation.
Finalement, l’économie nette espérée pour les petits épargnants ne sera sans doute pas à la hauteur des efforts d’adaptation de l’écosystème financier qui seront nécessaires.
La Commission a proposé la mise en place d’un référentiel basé sur les caractéristiques des produits afin d’estimer le rapport qualité / prix des produits d’investissement destinés aux particuliers. Les produits financiers comportant de nombreuses caractéristiques propres et reposant sur une large variété de stratégie de gestion, les grilles de comparaison des produits risquent fort de ne pas tenir compte de toutes les singularités des produits.
Prenons un exemple pour illustrer cela :
La catégorie « fonds actions France ISR » peut regrouper des stratégies de gestion très différentes (suivi d’indices de marchés vs stock picking, méthodologie ISR interne vs scoring ISR externe, biais sectoriel vs exposition globale…).
Or, chaque stratégie de gestion a un coût de production différent et donc logiquement, un niveau de commission de gestion différent.
Vouloir par conséquent comparer les coûts des produits de cette catégorie revient à comparer le prix d’un SUV chinois avec un 4×4 allemand. Les deux sont de même catégorie et évidemment le véhicule chinois est moins cher. Est-ce que cela aide le consommateur à faire son choix ? Pire, imagine-t-on le régulateur interdire aux concessionnaires de revendre des véhicules allemands car plus chers que leurs concurrents chinois ?
Ce benchmark, au-delà de l’extrême complexité de sa mise en place, pose la question de sa pertinence au regard de l’objectif initial souhaité par la Commission. Par ailleurs, le régulateur franchit la ligne rouge de la liberté de fixation des prix des acteurs économiques d’un secteur concurrentiel déjà excessivement régulé.
L’introduction du concept de « value for money » dans la gouvernance produit semble a priori une bonne idée. Demander aux producteurs d’évaluer les coûts supportés par les investisseurs et d’assurer leur juste proportion au regard des performances attendues du produit semble raisonnable. Les distributeurs voient également leur obligation existante de devoir de conseil se renforcer. Ces derniers devront justifier de la sélection des produits proposés à la clientèle particulière. Ainsi, la généralisation du concept de « Value for Money » sur toute la chaine de valeur de l’investissement devrait permettre de lutter efficacement contre les abus.
Pour autant, cette obligation constitue une nouvelle source de litige et de non-conformité pour les professionnels de l’investissement. Ils risquent de vouloir limiter leurs risques en simplifiant l’offre de produits proposée à la clientèle puisqu’un produit simple coûte moins cher à produire et l’effort de conseil pour le vendre est limité. RIS pourrait avoir comme conséquence indirecte une raréfaction de l’offre de produits d’investissement. La protection de l’investisseur doit-elle se faire au prix de la banalisation des propositions d’investissement ?
Pour paraphraser Frédéric Bastiat, il y a « ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas », RIS en est une parfaite illustration. Si les intentions du régulateur européen sont au départ légitimes, les nouvelles obligations du paquet RIS vont entrainer des effets de bord sur le marché qui ne seront peut-être pas en faveur de l’investisseur particulier.
Par ailleurs, un conseil en investissement de qualité a un prix. Qu’il soit payé par des honoraires ou des rétrocessions, ce coût vient impacter négativement la performance. Un modèle d’investissement « low cost » existe déjà, il s’agit des ETF et des offres de robo advisors. L’épargnant a donc d’ores et déjà le choix, sans attendre RIS, pour des solutions d’investissement moins chères. Force est de constater que ces modèles restent encore très minoritaires.
Si le régulateur veut une offre d’investissement moins chère, il pourrait également s’intéresser aux charges globales qu’il fait porter à l’ensemble des acteurs au titre de la conformité. Toujours plus de lois, c’est toujours plus de coûts qui, in fine, sont payés par l’investisseur.
Enfin, la surprotection du consommateur, du locataire et de l’investisseur par le régulateur encourage la déresponsabilisation des individus. Or, la meilleure façon de protéger l’investisseur est de lui donner la formation et les informations pour une prise de décision éclairée. Un investisseur avisé sait ce qu’il achète. Soyons audacieux et encourageons la RISponsabilité !
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