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04

Mar 2016

  • Articles et presse

FINANCE : Du changement dans le paysage des réseaux de distribution français : des fonds négociables sur Euronext

Article rédigé par Diane Guillaume – Consultante – Périclès Consulting

Euronext annoncera prochainement le lancement d’une nouvelle prestation pour la Bourse de Paris : l’Euronext Fund Services. Ce service déjà disponible aux Pays-Bas, permettra aux sociétés de gestion de lister leurs fonds ouverts (OPC et FIA) sur la plateforme.  Les investisseurs auront ainsi accès aux parts de fonds disponibles et pourront transmettre leurs ordres de souscription/rachat en direct auprès de leurs brokers.

Arrivé sur le marché néerlandais en 2007, il comporte aujourd’hui environ 150 fonds issus d’une vingtaine de sociétés et distribués par l’intermédiaire d’un réseau de 20 brokers. Majoritairement concentré sur le marché local, le listing génère un volume moyen d’échange de 50 millions d’euros par jour.

En Italie, le service ETFPlus de Borsa Italia propose depuis décembre 2014 la cotation de fonds ouverts : 17 sociétés de gestion (majoritairement italiennes) y ont référencé une centaine de parts d’OPCVM. Une société de gestion française (Rivage EPAM) a choisi cette solution en janvier 2016 pour distribuer son fonds en Italie.

En France, la phase de test du listing a démarré. 4 acteurs pilotes (un broker, un centralisateur, un agent de R/L et une société de gestion) participent à des tests de bout en bout. La plateforme de test a été ouverte fin février 2016 avec pour objectif le lancement de la plateforme au 2ème trimestre.

A terme, tout investisseur pourra donc souscrire en montant ou en nombre de parts les fonds cotés sur Euronext Paris. Les ordres sont, bien entendu, passés à VL inconnue et sont marqués au niveau du broker pour assurer un relatif suivi du passif. L’agent centralisateur du fonds listé agit comme contrepartie unique des ordres passés. Après le cut-off, l’agent centralisateur transmet les ordres reçus au gérant qui effectue les ajustements nécessaires sur les portefeuilles. Le dénouement se fait ensuite en Euroclear France. Euronext prévoit en effet d’intégrer une partie de la plateforme Euroclear pour simplifier la mise en œuvre opérationnelle auprès des parties prenantes. De fait, aucun développement technique ne semble être nécessaire du côté des centralisateurs ou des Sociétés de Gestion. Par ailleurs, à la différence des ETF, cotés sur le marché secondaire, les fonds seront listés sur le marché primaire sur une logique de souscription/rachat et ne nécessitent pas de « market maker ». La cotation des fonds sera donc facile à mettre en place : une solution « plug and play » sur le plan opérationnel.

En termes de pricing, et notamment sur les questions de rémunérations soulevées par MIF II, Euronext se positionne en service indépendant : aucun système de rétrocessions n’est prévu. Pour une société de gestion, la cotation sur la plateforme Euronext Fund Services requiert un versement initial pour le listing puis des frais de services annuels fixes, quel que soit le volume de transaction ou le niveau d’encours sur le fonds.

Un canal complémentaire et de nouvelles opportunités pour les gérants d’actifs

Pour les sociétés de gestion, ce service constitue un nouveau réseau de distribution, complémentaire des canaux existants et présentant de nombreux avantages.

Une de ces principales opportunités concerne le développement international des sociétés de gestion. Sujet phare de 2016 et au cœur des préoccupations de la Place avec le lancement de FROG (« Foreign Routes and Opportunities Garden »), un groupe de travail collaboratif entre l’AMF et l’AFG est destiné à « accroître la visibilité et la distribution des fonds d’investissement français à l’étranger »*. Un des chantiers techniques de ce groupe de place, présidé par Didier Le Menestrel, président de la Financière de l’Echiquier, porte sur les canaux de distribution et infrastructures de marché. Nous pouvons donc nous attendre à ce que FROG suive de près la mise en œuvre d’Euronext Fund Services à Paris. En effet, une fois lancé, le service permettra aux gérants d’actifs d’augmenter la visibilité de leurs fonds ouverts et d’accéder à une large base d’investisseurs nationaux et internationaux via la communauté d’Euronext (200 membres à travers l’Europe). Ce canal devrait également susciter l’intérêt de gérants offshore qui y verraient le moyen de proposer leurs fonds au marché européen. Euronext Paris pourrait donc concurrencer le « hub » Luxembourgeois pour la distribution européenne de fonds.

Côté investisseur, le principal avantage de ce nouveau canal réside dans la transparence et la simplification proposée par le service. L’investisseur pourra ainsi négocier, via son broker, les parts de fonds listés comme une action et prendre ses décisions d’investissement dans les meilleures conditions avec notamment des commissions de gestion réduites, du fait de l’absence de rétrocessions.

Vers une distribution BtoC ?

En listant leurs fonds sur Euronext Paris, les gérants d’actifs pourraient être plus visibles auprès des investisseurs retail et capter ces parts de marché, autrement et à moindre coût, que via les réseaux distribution traditionnels (CGP, banques privées, plateformes, etc.). La solution d’Euronext est naturellement « MIF II compliant », par ailleurs, le KYC et la responsabilité de l’adéquation produit sont à la charge du broker.

Les Robo Advisors apparaissent également comme une cible potentielle pour les sociétés de gestion. Aujourd’hui, l’offre de gestion de ces Robo Advisors est essentiellement constituée d’ETFs du fait de leur liquidité, de leur facilité de négociation et de leur coût. La cotation des fonds ouverts sur Euronext Paris va faciliter leur accès aux Robo Advisors.

L’intermédiation n’est donc pas remise en question mais l’intégration de ces nouveaux acteurs va probablement bousculer et challenger le modèle existant. Si l’ouverture de ce nouveau canal semble avoir de nombreux atouts pour séduire les sociétés de gestion, l’objectif pour les gérants d’actifs ne semble pas, à ce stade, être la distribution en direct auprès des clients retail. Il pourrait, cependant, s’agir des premiers pas vers la reconnaissance et une visibilité plus forte des sociétés de gestion auprès des épargnants.

Réussir son listing sur Euronext Paris : les clés du succès

Les opportunités apparaissent nombreuses pour les sociétés de gestion mais le succès de ce canal implique quelques défis et développements en interne.

Le chantier IT devrait être relativement limité pour la société de gestion. En revanche, les impacts opérationnels sont à prévoir, notamment pour les services juridiques, qui devront s’assurer de la conformité et de la production des documents relatifs aux fonds cotés.

Les principaux chantiers anticipés concernent les équipes du Business Development. En effet, la première étape consistera, pour toutes les sociétés de gestion, à définir leurs objectifs quant à ce nouveau canal et choisir les cibles visées afin de pouvoir sélectionner les fonds et les classes de parts à lister.

Une fois le périmètre arrêté, il conviendra d’engager une réflexion autour de l’animation de ce nouveau canal. Cela nécessitera des actions du côté des services marketing, de la communication mais aussi du côté commercial.

Les sociétés de gestion pourront alors réfléchir aux moyens à mettre en œuvre et éventuellement à dédier à la distribution via Euronext : quel positionnement pour ce canal en interne par rapport aux réseaux existants ? Faut-il créer une force commerciale dédiée aux Brokers/Robo Advisors ? Quel plan de communication en externe ? En interne ? Quels seront les impacts sur la relation investisseurs ?

* AMF, L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) met en garde le public contre des plateformes d’options binaires usurpant les informations officielles de sociétés dûment régulées, Paris, AFG, 2016.

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