03
Déc 2017
Article rédigé par Denis Mazouer – Périclès Group Suisse
Deux thèmes ont monopolisé l’attention en 2017, à savoir un projet de révision de la prévoyance retraite et la directive relative au taux technique.
Pendant un peu moins de 9 mois, chaque acteur de la prévoyance ainsi que toute la population concernée ont été bombardés d’information sur la réforme prévoyance retraite 2020. Après plusieurs années de discussions au niveau politique, après la publication de nombreux rapports pour examiner les tenants et les aboutissants de ce projet, après la mise à disposition de tout un chacun de modules de calcul en ligne pour mesurer les conséquences individuelles, le souverain a refusé à 52% de suivre la mise en œuvre de ce paquet de réformes le 24 septembre dernier.
Ce qui a fait pencher la balance vers le refus par ordre d’importance :
Conséquences de ce refus :
Laissons de côté le jeu des partis politiques qui voient s’approcher une prochaine échéance électorale en 2019 et les enjeux macro-économiques (la prévoyance professionnelle sur base de capitalisation représente environ CHF 900 milliards) et idéologiques (abandon de la capitalisation au profit de la répartition). Le souverain est fortement attaché au régime des 3 piliers dont on prône à l’étranger son excellence.
Ce qui est frappant c’est la méconnaissance du dossier et l’incompréhension des enjeux pour la population.
L’idée de départ est simple : un retraité en Suisse va généralement vivre de la rente AVS et de la rente de la prévoyance professionnelle. D’où l’idée de traiter les 2 piliers ensemble. De plus, les deux piliers font face aux mêmes défis soit la longévité et la baisse des investissements à long terme. La difficulté tient au fait que les 2 systèmes ne touchent pas la même population (8,2 millions pour l’AVS et 4,2 millions pour le prévoyance professionnelle) et les principes de financement sont différents (solidarité pour l’AVS et capitalisation pour le prévoyance professionnelle).
Ainsi l’introduction d’une rente additionnelle de CHF 70 dans l’AVS pour compenser une baisse dans la LPP (prévoyance professionnelle) tombe mal alors que l’on demande des efforts pour la stabilité de l’AVS.
Ce mélange des « piliers » n’est pas opportun et c’est d’ailleurs la première fois qu’il intervient dans l’histoire de la sécurité sociale suisse.
Deux exemples pour illustrer cet aspect :
La prévoyance retraite incorpore un facteur temps c’est-à-dire qu’entre aujourd’hui et la date de mise à la retraite, il y a un peu plus de 20 ans si nous considérons un âge moyen de 42 ans. Aussi doit on se projeter dans le futur pour considérer la question. Ceci a été bien entendu fait mais il faut le reconnaître soit avec des hypothèses souvent simplifiées soit en négligeant certains paramètres.
La prévoyance incorpore aussi un facteur individuel c’est-à-dire que chaque salarié a une carrière restante, en Suisse et/ou à l’étranger. De plus, le marché du travail et son évolution est à prendre en considération.
En quelques mots, il y a un besoin incontestable et incontesté de réforme et ce que vivent les sécurités sociales dans le monde, à savoir la longévité et le financement des rentes en cours et futures touchent aussi la Suisse. Le traitement politique du projet, malgré le temps investi et les études nombreuses et coûteuses, n’a pas donné satisfaction.
Tout est à reprendre tout en sachant qu’il y a suffisamment d’information pour ficeler un nouveau projet.
Les institutions de prévoyance suisses doivent mesurer leurs engagements en appliquant un taux technique.
Ces engagements sont mis ensuite en relation avec les actifs investis et ce pour pouvoir mesurer l’adéquation, la solidité et la durabilité des caisses. Pendant de nombreuses années, la question du taux d’intérêt technique à appliquer ne posait pas de réelles difficultés et celui-ci oscillait autour de 4%.
Les chocs de 2000/2001 et 2007/2008 ont obligé à observer la question avec un peu plus d’attention.
Les conseils de fondation, organes suprêmes, sont en charge de fixer ce taux technique sur recommandation des experts LPP (actuaires spécialisés de la gestion des caisses).
La chambre des actuaires conseils (CSEP) s’est penchée sur la question depuis le début du 21ème siècle et a produit une directive (DTA4) qui traite du taux technique.
Les grandes lignes de la DTA4 sont les suivantes :
En 2005 le taux était de 4,5% puis il est descendu à 3% en 2013 et il est de 2% en 2018.
Le taux technique de référence est progressivement devenu un taux technique tout court et en quelque sorte le chiffre magique, en particulier pour les autorités de surveillance des caisses.
De plus, la commission de haute surveillance (CHS LPP) organe de référence pour la surveillance des caisses n’est pas satisfaite par cette directive et souhaite renforcer le contenu en faisant référence à la stratégie des caisses.
La CHS LPP est intervenue directement dans le projet soumis à la Chambre le 24 novembre dernier, projet qui a été enterré à raison de 93% des participants. L’idée du nouveau projet est de fixer non pas un intérêt technique de référence mais de travailler au niveau de chaque caisse selon sa stratégie d’investissement à long terme.
Idée séduisante déjà inscrite dans la version de 2015 mais qui devient problématique pour deux raisons.
La définition du taux d’intérêt technique est la suivante :
Et cela devient difficile car le comité de la CSEP fixe les primes de risques nettes attendues pour chaque catégorie de placement, la déduction de longévité représente 0.3% et la déduction pour structure défavorable est égale à 0.4 d’une formule alambiquée.
Les premiers chiffres fournis à la CSEP donnent une fourchette pour le taux technique maximal entre 1,5% et 2,5%. Ces chiffres sont à mettre en parallèle avec, pour les caisses, des taux de 4 à 5%.
En résumé l’application de ces taux entraînerait une baisse systématique d’où un renforcement à la charge des caisses.
Le dernier sondage effectué à la fin de l’été 2017 auprès d’un échantillon en Suisse indique que pour la première fois, la prévoyance vieillesse vient en tête des préoccupations avant le chômage. Ce dernier est resté longtemps au premier rang. Ceci s’explique peut-être par la place donnée dans les médias au projet 2020 depuis le début de 2017 et aussi dans une méconnaissance des enjeux de la question. Le chômage est une réalité immédiate alors que la prévoyance est un objet à moyen et long terme.
Une autre étude d’un institut ValueQuest parue en septembre dernier indique que 35% des sondés ne connaissent pas le nom de leur caisse de prévoyance. Sur l’appréciation de la caisse, 40% se déclarent insatisfaits et 30% sont contents. L’image est pour le moins confuse auprès de la population.
Un autre sujet d’actualité dans le domaine des assurances sociales va donner lieu à des projets en 2018 : la question du financement des frais maladie, hospitalier et ambulatoire. Comme chaque année, la communication de la hausse des primes en octobre a montré l’incapacité des politiques et des principaux acteurs en charge de tel ou tel aspect de la question. Aussi de nouveaux projets voient le jour soit pour une régionalisation des problèmes soit pour des solutions globales.
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